Créer un site internet

Dépression : L'art subtil de ne rien faire

   

 

     Méthodiquement, années après années, je me suis toujours imposée une routine compliquée et fatigante. Les courses, le ménage, la vaisselle, les formations, les enfants et en fond de toile, la culpabilité. Depuis de nombreuses années, ma vie est rythmée des tortures mentales pour surtout ... jamais  ne rien faire. Etre en mouvement quoi qu'il arrive. Dormir d'accord, mais pas trop. Manger d'accord, mais pas trop, rêver d'accord, mais jamais trop. Il y avait jusque là une sorte de petite voix qui me hurlait dessus en permanence « Hey, tu ne vas quand même pas te prélasser, tu dois nourrir tes enfants, travailler, ramener de l'argent! »  J'ai  pour ainsi dire passé une bonne partie de ma vie à m'interdire de penser que j'avais le droit de ne rien faire.

J'ai eu deux enfants. J'avais 19 ans et 23 ans au moment de leur naissance. Je faisais mes études à coté. Je n'ai jamais rien lâché. C'était comme ça. L'idée d'abandonner mes études me terrifiait et avec mon compagnon de l'époque et ma famille, nous avons tout fait pour que cela n'arrive pas. Je ne regrette pas, certes, mais il y avait un grosse angoisse derrière qui tenait ce projet : l'impossibilité de m'imaginer en train de rien faire. Paradoxalement, je me suis souvent considérée comme une bonne à rien et une fainéante. Chaque moment de répit était doublé d'une culpabilité sans nom. Mais pourquoi donc cette obligation au fond de moi? Certainement à cause de mon enfance. Maman m'a répété une bonne partie de mon adolescence que j'étais une fainéante. Alors très jeune adulte, j'ai voulu prouver que c'était faux. Pas qu'à elle, non, à moi plutôt et aussi au monde entier. «Regardez! je FAIS! . Regardez je travaille, j'étudie, je suis occupée! »  Etudes, enfants, travailler, reprendre les études, dessiner au moins dessiner une fois par jour, écrire, aider les autres. Faire quelque chose. Ne pas rester immobile. Ne pas devenir molle. une fois en thérapie, alors que je me trouvais fainéante et immobile, la psychologue m'a regardée avec étonnement et m'a fait remarquer que j'étais en mouvement en permanence. Que je faisais un nombre incroyable de choses en même temps. Moi je ne le voyais pas. Je pensais que c'était le strict minimum. Je m disais : les appartements des autres ont toujours l'air nickel à coté du mien, et puis ces mamans qui préparent tout à leurs bébés, elles  n'ont jamais acheté un petit pot de leur vie et en plus, elles travaillent à plein temps. Moi, j'étais juste une étudiante. Dans ma tête, c'était rien. Quelle torture!  Je tenais quelques mois en général avant qu'une dépression vienne me foudroyer. Des fois elle était petite, des fois plus importante. Je me souviens d'une fois où on faisait les courses en famille. Moi j'étais écroulée à l'intérieur et je faisais tout pour le cacher. Surtout les larmes ne doivent pas couler. Surtout pas en public. Surtout pas. Alors je retenais tout, comme à l'époque où je retenais mon urine à l'école pour ne pas quitter la classe, jusqu'à l'accident à force de ne plus retenir. Exactement pareil ! ( ici,  la vidéo où j'explique ce trouble psychologique que j'ai eu petite ainsi que les conséquences désastreuses sur ma vie par la suite)

C'est comme une fracture. Ou plutôt une fissure dans "l'imperméable".  Le raz le bol. Le trop plein. J'en ai connu quelques uns. Ces raz le bol se déchaînant dans le vent de mes émotions. Ces raz le bol créateurs de dépression. Car au delà de la culpabilité d'avoir osé souhaiter ne rien faire, il y a la dépression qui sauve. Celle qui permet de tout relâcher. Mais aussi celle qui donne un prétexte pour s'immobiliser. Ne rien faire mais avoir une bonne raison. Etre malade, fragile, en burn out. La réponse ultime au mal-être interdit que l'action venait camoufler jusque là, avant que je me sépare du père de mes filles, je camouflais ces sentiments, ce besoin de m'arrêter, de tout envoyer balader. Les larmes uniquement en solo, cachées du regard des autres. Etouffées au maximum. Les larmes de la honte...

 Au quotidien,  c'est une sensation de lourdeur à chaque pas. Faire ses courses et avoir l'impression de gravir une montagne tellement les sacs semblent lourds. S'étouffer avec la chaleur alors qu'on est fatiguée. S'obliger à sortir se promener alors qu'on n'a pas envie. Aller à la salle de sport alors qu'on a le corps fatigué et que le plaisir a été remplacé par la peur de grossir. Aller travailler et se sentir de plus en plus lourde, pleine à raz bord. Et un beau jour s'écrouler psychologiquement. Et ne plus rien pouvoir faire sauf pleurer. plus d'imperméable. Il s'est fissuré pour de bon. Après des années de psychothérapie, après des soins énergétiques durant plusieurs mois d'affilée, des exercices de développement personnel, après une superbe réveil spirituel, après avoir retrouvé durant quelques années un petit répit dans les dépressions, j'ai "rechuté "l'année dernière, juste avant le premier confinement.  

Cette chute a été particulièrement brutale. Tellement brutale qu'après plus d'un 1 an, je suis toujours au même endroit. Ou presque. Immobile physiquement mais vivant une tornade psychique. 1 an que j'a quitté mon dernier emploi.  Un an que je me suis accordée le droit de craquer. Pour craquer..... un vrai craquage à la Laurence. Une seule chose dans cette dépression ne me lâchera quasiment jamais : la tristesse. L'envie de mourir comme je l'avais expliqué dans " La chrysalide" est passée. Mais arès un peu plus d'un an, cette peur de ne rien faire est toujours là. Vous rendez-vous compte à quel point la société nous impose cette injonction de toujours avancer quoi qu'il arrive? Mais si le corps refuse de bouger, si le cerveau ne répond plus à cette injonction en coupant toute motivation, il y a peut-etre une raison? Et si la dépression était un mode de guérison? Repos forcé de la tête et du corps. Savez-vous que d'évacuer toute la tristesse, toute la culpabilité, toute la colère et tous les sentiments secondaires accumulés durant des mois de souffrance silencieuse demande de l'énergie? Pleurer est une action, je le sais maintenant. Agir pour se libérer en reposant le corps et en expulsant le trop plein. Le psychisme a ses besoins autant que le corps  et demande une hygiène de vie au quotidien. La dépression fait de manière brutale ce qu'on refuse de faire régulièrement. Quand je me suis arrêté de travailler, je me disais que j'allais faire un tas de choses: dessiner, créer mon entreprise, reprendre les guidances, finir ce fameux oracle que j'ai commencé il y a déja de nombreux mois pour e amie, inviter mes amies à la maison, faire du rangement, décorer l'appartement.....Que néni. Rien. un an a ne rien faire. Rien qui soit valable aux yeux de la société, Juste pleurer, expulser les émotions douloureuses au départ. Au départ je culpabilisais beaucoup mais en fait cela fait un bien fou de ne rien faire. SE POSER.  Faire le chat. En réalité je me rend compte que c'était nécessaire. Ma dépression, mon burn out m'ont sauvée. Un pas de plus dans le monde des morts vivants et je me serais peut-etre écroulée de manière irréversible. Je suis heureuse d'avoir osé ne rien faire, osé mettre fin à un calvaire que nous sommes beaucoup trop nombreux à vivre et à accepter sans broncher. Depuis, j'ai retrouvé l'envie de vivre, l'envie de faire des projets mais je reste dans une certaine phobie sociale que je travaille petit à petit. Je me suis inscrite dans un jardin partagé, j'ai avancé sur un projet professionnel et j'ai repris la révision du code de la route. Mon objectif est de m'écouter le plus possible et de retourner dans l'action, mais de manière plus réfléchie, non subie et de reprendre une activité qui puisse me convenir psychologiquement et socialement. Mon hypersensibilité est ressortie comme jamais est bien que maintenant je ne peux plus la nier. Et je l'aime cette hypersensibilité. Elle me permet de mieux me respecter au quotidien et de ne plus mettre de coté mes émotions. La dépression n'est pas une maladie c'est un mode de guérison. On ignore encore beaucoup de choses au sujet de ce qu'on considère comme maladie. L'hypersensibilité aussi est considérée comme une maladie ( sans doute mon prochain article ) mais elle a une fonction essentielle : nous aider à nous respecter dans nos limites et fixer des barrières de protection. 

 

Mes amis, mes camarades, et toutes celles et ceux qui passent par là au hasard, je vous remercie de m'avoir lue. C'est un soutien incroyable. 

A bientôt pour un nouvel article d'éveil ou de blog.

Laurence

 

 

 

 

A lire également sur le blog

Date de dernière mise à jour : 03/12/2021

Ajouter un commentaire